jueves, 14 de marzo de 2024

FRONTIÈRES



 - La nourriture n'est pas mauvaise dans cette gargote – l’avocat de Donostia Jon Galtzagorri a commenté à Manu Majors, l’avocat de Bilbao, alors qu'on leur servait du café et que leur client commun avait quitté la table pour répondre à un appel - mais le gars de la Parte Vieja a dû venir pour lui donner une touche de sa main sage…

- Si tu ne veux jamais aller dans son restaurant à Lasarte et  à Madrid parce que ce Catalan a insisté pour nous amener ici, que tu m'aurais emmené manger des tripes ou un ragoût, je te connais.

Le luxueux restaurant, à la romantique Casa Gallardo, est à moins de dix minutes à pied du bureau où ils s'étaient rencontrés le matin. Ils finissaient de manger lorsque le restaurant commença à se remplir. Le service professionnel n'avait pas apprécié la précipitation que donnèrent les trois convives, pendant le repas, un long voyage à travers la dégustation des délices qui composent leur menu, très long et très étroit, comme dirait San Mikel Corcuera Ulacia, mais ils l'avaient déjà terminé. Le client revint et sans se rasseoir et leur dit au revoir à tous les deux avec son efficacité prussienne et pas du tout méditerranéenne :

- Ils viennent me chercher pour m'emmener à l'aéroport, Xavier vient me chercher là-bas, nous allons à Rabat signer l'acte, puis nous dînerons avec les Koweïtiens à Londres et je vais dormir chez moi à Barcelone parce que demain je dois être là à 8 heures pour la décision finale sur l'arbitrage. Merci pour vos conseils avisés. Cela a déjà été payé et vous êtes invités à ce que vous voulez comme digestif mais vous n'avez en aucun cas besoin de répéter les verres. Adieu.

Le financier s'est retourné et les deux avocats basques ont dit au revoir au petit vide qu'il avait laissé. Un chauffeur gorille, du type militaire slave, l'attendait à la porte.

- Si j'avais dû prendre le petit-déjeuner avec les Qataris, je me serais arrêté aussi à Paris, je suppose - commenta Galtzagorri en attendant qu'on lui serve le Macallan 25 qu'il avait commandé pour ne pas baisser le niveau de ce qu'ils avaient mangé - , de toute façon, avec un jet privé, vous pouvez profiter et jeter un oeil aux soldes Galeries Lafayette et autres.

Manu Majors a demandé que la bouteille de Pingus soit finie dans son verre, avant de recevoir celle de Garvey sur la table, a haussé les sourcils et commenté :

- Ce que je ne sais pas, c'est si nos foies vont supporter cette routine de déplacements sur place, de rencontres "physiques", de contacts humains, de déjeuners de travail, de moments de convivialité "gagnant-gagnant"... ou si nous étions mieux lotis avec le télétravail et l’infusion en pantoufles, quand ces personnes prenaient des décisions plus froidement.

- Ce qui me fait avoir la flemme c'est la vie que mènent ces gens, ce sont les douanes dans les aéroports, même au sein de l'Union européenne, entrer et sortir des aéroports est pénible, et ces gars et ces garces sautent de l’un à l’autre dans une vie peu enviable . Je suppose qu'il porte des couches parce que je ne pense pas qu'il ait le temps de chier de toute la journée, il a ce visage constipé, donc.

- Comme dirait mon associé : "Les douanes c'est seulement pour les noirs, pour nous de l’Athletic pas du tout, on nous arrête pas." Et tu le sais bien, tu l'as dit à maintes reprises « Qui va soupçonner une magistrate de la cour d’apel ? »

- Le truc de ton partenaire a vieilli avec les Williams mais c'est comme ça, les vrais criminels sont ceux qui imposent des douanes à des gens qui n'en ont pas besoin, il va falloir encore promouvoir cette ONG « Douaniers sans frontières » que n'a jamais eu de succès.

Ils n'ont pas inutilement prolongé le repas et se sont dit au revoir au coin de la rue Ferraz, en marchant vers la Place d'Espagne, avec un souhait commun :

- Ne manquez pas l'Alsa (*) !


* Alsa est le Flexibus en Espagne.

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