domingo, 28 de octubre de 2018

LE VERSANT DE L'ORAGE

Monsieur le Président, mesdames et messieurs les jurés, je suis aussi surpris que vous de me retrouver ici à défendre les intérêts de mon client.
Comment la justice peut-elle à ce point défaillir qu’on en arrive à juger les faits et gestes d’une personne à la moralité irréprochable alors même qu’il n’existe aujourd’hui, presque 9 mois après,  aucune preuve tangible du crime dont on l’accuse ?
Reportez vous à cet après midi de septembre : la campagne, des hommes travaillent là bas en chargeant des chars avec le foin, et ici près de l’accusé, couché sous un grand arbuste, deux femmes, la jeune Cécile et sa mère, labourent… un beau tableau, la fille avec la chaleur a la blouse un peu ouverte, la mère non, et mon client pris par la somnolence de l’heure de la sieste observe.
Le ciel menaçait. Cécile et sa mère, la Louise, finissaient de charger la charrette de foin du pré d’en haut. La Louise, voyant que la maigre récolte était chargée, a du penser qu’elle serait plus utile auprès des hommes et s’empressa de les rejoindre, laissant sa fille terminer seule.
C’était sans risque, la jument était facile à mener , la charrette n’était qu’à moitié chargée et Cécile n’avait qu’à passer une corde sur le tout.
Le ciel était de plus en plus menaçant et devenait noir comme si la nuit tombait. L’orage allait éclater et les charrettes de foin allaient prendre la pluie.
D’un coup, le vent se leva et entraîna des cheminées d’herbe et de poussière tourbillonnant vers le ciel… et soulevant la robe de Cécile inévitablement. Mais toujours pas de tonnerre ni de pluie.
Mon client, déplacé par ces images presque magiques, s’approcha de la charrette pour aider, lorsque, brutalement, un claquement épouvantable ébranla le sol, cependant que le ciel s’était illuminé une fraction de seconde. La foudre venait de tomber à quelques mètres, juste devant le cheval, et mon client vit nettement une boule de feu courir sous la charrette.
Il était clair que ça ne pouvait se terminer  que par une catastrophe.
Parce qu’elle, dans son sursaut, étant parvenue à sa hauteur,  tremblait de tous ses membres. Mon client alors la plaça près de lui à l'abri du vent afin qu'elle pût retrouver, recueillir ses forces. Madame Nature a ses lois que la raison ignore, tel un ouragan, la passion leva la masculinité de mon client et à son insu cette passion-là trouva un refuge à l’abri de l’orage sans aucune arrière pensée…
À qui la faute, alors ? À mon client sans volonté victime des circonstances ? Pas du tout !! À Cécile effrayée par l’éclair ? Moins encore !! La faute à l’orage, uniquement l’orage est le seul responsable.
Monsieur le Président, mesdames et messieurs les jurés, en conséquence, nous refusons donc purement et simplement de payer l’amende de 90 € par l’excès de vitesse de la jument. Je vous remercie de votre attention.
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Ce materiel de travail théâtrale est une composition arrangée de textes: http://desencyclopedie.wikia.com/wiki/Plaidoirie
et "Le bonheur leur allait si bien : roman sous forme de chronique campagnarde" de Jean Collin


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