Dans l’asile de Saint Barthélemy, la bonne mère Sœur Madeleine de la Fête prépare une pièce pastorale et pieuse avec les internes de l’établissement pour être jouée devant l’évêque Mgrs. Itxassou qui va venir en visite. Mais un des acteurs Jean Armagnac a une bizarre idée: assassiner l’évêque en profitant de sa visite et amène le groupe à préparer en cachette une autre pièce (L’assassinat d’Henri IV) pour obtenir l’opportunité du crime.
EXTÉRIEUR JOUR
(Paysage basque, verts diverses, c’est l’immense terrain d’une maison grande, solide, on devine des hauts murs qui empêchent de sortir facilement, un chemin goudronné mène de la grille d’entrée à la porte principale avec des grilles en fer et solidement fermé, sur la porte un panneau indique « REFUGE SAINT BARTHÉLEMY DES BONNES MÈRES DE LA SAINTE PÉCHERESSE », personne à l’extérieur, fenêtres fermées, grilles un peu partout, on entend des voix, quelqu’un dirige une « pastorale »,mi en basque mi en français)
INTÉRIEUR JOUR
(Grande salle de gymnase, illuminée par les fenêtres qu’on sait, un groupe d’internes avec des uniformes en toile légère suit les indications d’une nonne habillée comme une secrétaire de bureau –une petite croix argentée sur sa poitrine comme seul bijou, pas de maquillage-.)
MADELEINE
(Chante et dirige)
Haurtxo maite...
GROUPE D’INTERNES
Haurtxo maite... Nola zaude?
seaskan negarrez.
Atoz, bai, nire bihotzera.
Atoz, bai, lo lo egitera.
Abesti maitalez.
Abesti maitalez.
(Le groupe est si hétérodoxe que leur chant, il y a des hommes et des femmes à tronches vécues, des handicapés mentaux, des jeunes à yeux vides, des vieux moches… une des femmes, autour de la cinquantaine porte une poupée comme un enfant contre son sein, un des hommes est à son coté, il a une fausse barbe, le couple est un peu devant le reste, quelqu’un joue un piano)
MADELEINE
Une fois plus, Haurtxo maite...
GROUPE D’INTERNES
Haurtxo maite...
EUGENIE
(Une autre nonne, habillée comme Madeleine, apparaît à la course)
Madeleine ! Madeleine ! La bonne nouvelle, il y a la bonne nouvelle !
(Le chœur se tait)
L’évêque vient à la fête, monseigneur vient à la fête ! Faut que tu viens à la direction, faut que tu viens immédiatement.
(Madeleine regarde l’autre en souriant)
MADELEINE
J’arrive (Et se tourne aux internes) Continuez un moment sans moi ! Armagnac dirige la répétition jusqu’à que je retourne !
ARMAGNAC
(Il retire sa barbe, fait un geste obscène vers la porte par laquelle sont sorties les deux nones et se dirige aux autres)
Continuez et n’arrêtez pas: Haurtxo maite...
GROUPE D’INTERNES
(Tous chantent et presque tous au même temps commencent à faire ce qu’ils veulent, se peloter, se baiser, se battre… deux des internes se placent prés de la porte et pendant qu’ils chantent font le vigile vers le couloir. Le chaos sexuel à la salle est énorme mais la chanson reprenne sans cesse, le pianiste joue comme un robot)
INTÉRIEUR JOUR
(Bureau de la mère supérieure, un bureau simple, un tableau de Marie Madeleine préside)
SUPÉRIEURE
Est un grand honneur que Monseigneur Itxassou vienne nous visiter à l’occasion de le Saint Barthélemy et on va bien préparer la chapelle pour une messe ouverte au public du village…
MADELEINE
(Elle parle vite et enthousiaste)
On pourrait lui présenter le chœur des internes. On est en train de préparer une représentation théâtrale avec une série de chants en basque pour les jours de fête et comme ça l’évêque verra qu’on ne dépense pas les dons et que nos internes…
SUPÉRIEURE
(Vraiment supérieure)
Nos internes ne sont pas des internes, sont des clients et ils sont occupés parce qu’on ne peut pas les doper tout le temps ! Ce refuge, Madeleine, n’est pas ni prison ni hôpital. Nos clients arrivent volontairement ou par la volonté des familles et sont ici parce qu’ils payent ! Les dons de l’évêché sont à nous, à nôtre ordre.
MADELEINE
Mais quand même, les pauvres seront ravis d’honorer l’évêque, un homme si culte, si orthodoxe.
SUPÉRIEURE
Vous serez ravie ! Si l’évêque vient nous visiter, peut-être quelques voisins viendront et votre show pourrait les entretenir et servir à attirer des gens, au moins pour les fêtes. Ça coûte zéro et les dons des visiteurs sont des revenus à nous, à nôtre ordre.
Une autre chose. La nouvelle convention avec le Conseil Général nous oblige à accepter un psychiatre comme superviseur de cet établissement. Il va arriver bien avant que notre évêque.
INTÉRIEUR JOUR
(Par le couloir, les deux religieuses vont vers la salle)
EUGÉNIE
Il est un « réac » ce Monseigneur Itxassou. Tu verras, il faudra s’habiller avec le « bourkha » comme dans les vieux temps pour sa visite.
MADELEINE
L’habit, Eugénie, l’habit, on ne dit pas le « bourkha ». Un jour on va t’entendre et tu seras punie.
INTÉRIEUR JOUR
(À la salle, le chœur continue à chanter, rien ne s’est passé. Armagnac dirige impassible)
INTÉRIEUR JOUR
(Escalier en bois, une porte intérieure « douches hommes », Armagnac chante sous la douche, mais au même temps il a un cigare aux lèvres et une bouteille à cotés des pieds)
ARMAGNAC
Le petit Jésus s'en va-t-à l'école
En portant sa croix
Dessus son épaule
On lui donnait des bonbons
Une pomme douce
Pour mettre à sa bouche
Un bouquet de fleurs
Pour mettre à son cœur
C'est pour vous, c'est pour moi
Que Jésus est mort en croix
(Il sort de la douche, pas de cigare, pas de bouteille. Il se sèche, se rase et il parle avec la musique de la chanson)
Le petit Monseigneur s’en va au bordel, en portant son portefeuille, dessus sa bite, on lui donnait des dons, des dons, et une pute douce pour mettre à sa bouche, un con en fleur pour mettre à son cœur, c’est pour lui, c’est pour moi que petit Monseigneur mourra en croix.
GEORGES
(Il est un des internes qui n’a pas participé à la débauche)
Qu’est ce que tu chantes? C’est joli, c’est très bien… Le petit Monseigneur s’en va au bordel, en portant son portefeuille, dessus sa bite, on lui donnait des dons, des dons, et une pute douce pour mettre à sa bouche, un con en fleur pour mettre à son cœur, c’est pour lui, c’est pour moi que petit Monseigneur mourra en croix.
(Visiblement Georges ne s’aperçoit pas que ces paroles ne sont pas convenables et Armagnac rit)
ARMAGNAC
Georges tu ne peux pas chanter ça devant les religieuses ou tu seras puni. Tu peux chanter uniquement : Le petit Jésus s'en va-t-à l'école, en portant sa croix, dessus son épaule…
GEORGES
Aux barricades, Jésus et Monseigneur vont aux barricades ! Ha, ha, ha! Celle c’est bonne !
ARMAGNAC
Petit con!
(Il chante) Negras tormentas agitan los aires,
nubes oscuras nos impiden ver,
aunque nos espere el dolor y la muerte,
contra el enemigo nos llama el deber.
El bien más preciado es la libertad.
hay que defenderla con fe y con valor.
Alza la bandera revolucionaria,
que del triunfo sin cesar nos lleva en pos.
Alza la bandera revolucionaria,
que del triunfo sin cesar nos lleva en pos.
Debout, peuple ouvrier, à la bataille !
Il faut renverser la réaction.
Aux barricades ! Aux barricades !
Pour le triomphe de la confédération !
Aux barricades ! Aux barricades !
Pour le triomphe de la confédération !
Comme ça, comme ça, mais tout est théâtre, tout est théâtre, Georges. On est pas des anarchistes, nous sommes des limités, sortis de la rue, rejetons de la société, clochards de bonnes familles, on nous cache dans le placard des bonnes mères, pour le grand bien de nos âmes et le grand bien de l’évêque et son conseil d’administration…
GEORGES
Mais Jean… !
ARMAGNAC
Mais peut-être que le jour de la justice est plus proche qu’on croyait !
VOIX AUTORITAIRE DE RELIGIEUSE
Temps de toilette fini ! Temps de toilette fini ! Promenade, promenade…
EXTÉRIEUR JOUR
(Dans le jardin il y a une espèce de carrière hippique, les internes en rangs font des cercles autour d’une religieuse au milieu, la scène vue d’en haut est un exercice de dressage, on voit bien les empreintes des promenades répétées)
INTÉRIEUR JOUR
(À la salle, l’atrezzo pour la « pastorale », des costumes, des colis ouverts, des coffres, des grands animaux de crèche en bois peint… le groupe d’internes répète)
GROUPE D’INTERNES
Euskal Herriko saindu ixilak
Gorarik aipa ditzagun,
Aipa zeruan ditugun hilak,
Harat hel gaiten, hek lagun…
(C’est un ballet simple, des mouvements rythmés
INTÉRIEUR JOUR
(Bureau de direction, la mère supérieure, Madeleine, Jean Michel un beau homme…)
SUPÉRIEURE
Le Docteur Jean Michel Gaillard de Saint Léon est à partir d’aujourd’hui le responsable des programmes des clients. Même si est par la convention signée entre l’évêché et la préfecture qu’il est ici, je crois sincèrement qu’il fallait impérativement qu’un expert en psychiatrie dirige l’établissement de façon permanente parce qu’on ne pouvait pas continuer avec des conseils intermittents…
MADELEINE
Ça va à être bon pour nos internes, le docteur Harinordoquy n’arrivait pas à tout le pauvre et il était un peu trop démodé.
JEAN MICHEL
J’ai étudié le programme occupationnel et je le trouve très bien. Vous faites un travail excellent et j’espère apprendre beaucoup de votre expérience Sœur Madeleine.
MADELEINE
Merci, merci, mais c’est le Docteur Harinordoquy qui a le mérite, il a été un vrai ange gardien des internes et un maître à suivre, la peine qu’il avait tant d’occupations hors notre refuge. Voulez voir venir avec moi à la salle de gym, les clients sont en train de répéter.
INTÈRIEUR JOUR
(Salle, le vigile voit que Madeleine et Jean Michel arrivent et fait des signes, le tableau idyllique se forme à l’instant. Quand la none et le psychiatre entrent la répétition a l’air morne des choses ennuyeuses…)
CHŒUR DES INTERNES
Haur… etc.
(Mais un s’assoit par terre et les autres commencent à se distraire, on s’assoit un peu partout, on s’endorme, on tape un coup de pied et une bagarre éclate… Madeleine arrive à arrêter le tumulte… les chants on continue et continuent pendant les incidents)
INTÉRIEUR JOUR
(Bureau du psychiatre, Madeleine et Jean Michel sont avec des papiers, des fiches des internes, des dossiers de santé etc.)
MADELEINE
Je ne sais pas si on peut les laisser autogestionner les activités, il y a des vraies tarés, des cas difficiles… en plus ils sont habitués à être gérés avec de la discipline…
JEAN MICHEL
Le but de ce programme est de développer chez les patients, les clients que dit Madame la patronne, les connaissances et les attitudes qui favorisent une meilleure gestion de leur santé.
MADELEINE
Il est vrai que dès votre arrivée, les internes manifestent beaucoup d’intérêt face aux activités et les échanges à l’intérieur des groupes sont particulièrement riches. Maintenant qu’on est là pour le soutien à l’autogestion et on ne vise pas à remplacer les traitements habituels comme la psychothérapie ou la médication. Il s’agit plutôt notre intervention d’une intervention complémentaire, mais primordiale dans la gestion, quand même, pour moi, il est difficile de laisser toute initiative aux internes.
JEAN MICHEL
Il faut les préparer pour sortir, pour réintégrer une vie dans l’extérieur… on ne peut pas les laisser dans le placard… ils sont des personnes, ils doivent sortir. Vous contrôlez les avances, vous devez être tranquilles.
MADELEINE
D’accord, d’accord…
INTÉRIEUR JOUR
(À la salle de gym. Les internes en bergers chantent et dansent comme des participants dans une « pastorale souletine », il y a plus d’instruments guitares, tambours, accordéon)
CHŒUR DES INTERNES
Agour Marie… etc.
(Ça dure un bon moment. Jean Armagnac dirige et chante le plus fort, un moment donné, il retire ses habits et se transforme en un évêque sinistre, les autres internes chantent « Ni dieu ni maître » de L. Ferré avec solennité et lui entourent au final de la musique, tout se fait très lentement… et ils finissent pour lui tomber dessus en mimant qu’ils ont des couteaux dans les mains. Georges surtout est le protagoniste du coup final, après il regarde tendrement à Fatima, une mignonne interne de regard inquiétant)
ARMAGNAC
(Se lève) Parfait ! Parfait ! On est arrivé à faire un final parfait, un drame, une tragédie ! Les bonnes sœurs vont être ravies ! On recommence.
CHŒUR DES INTERNES
Agour Marie…
(La répétition recommence, mais on sent que les internes veulent arriver au final, à l’assassinat, la tension monte dans les gestes, les faces, les mouvements… après mimer sa mort, Armagnac se lève)
ARMAGNAC
On recommence !
(Le Docteur arrive et voit en souriant l’assassinat d’Armagnac, il applaudit et s’approche de celui-ci)
JEAN MICHEL
(En ouvrant une boite de carton qu’il avait cachée à son dos) Et voilà les couteaux ! (Il fait sortir des couteaux de théâtre assez impressionnants et il donne un coup avec le plus grand sur la poitrine d’Armagnac)
ARMAGNAC
Magnifique (Il essaye les couteaux à plusieurs reprises, la lame glisse bien dans la poignée) Magnifique ! Merci, docteur ! (Aux autres, pendant qu’il distribue les couteaux) On recommence !
INTÉRIEUR NUIT
(Chambre d’Armagnac, il dort, il s’éveille, se lève nu et cherche quelque chose derrière le socle d’un des murs, une clef, avec elle il ouvre la porte, il se glisse par le couloir, il descend par les escaliers en évitant les cameras de vigilance et une nonne qui veille dans le grand hall, il arrive à la cuisine, il prend plusieurs couteaux d’un tiroir, avec les couteaux en main il monte jusqu’aux douches. Dans une des douches il colle sa main à un carreau pour le faire sortir du mur, là il y a bouteille, cigares, argent… il introduit les couteaux, ferme la cachette et retourne à son lit).
INTÉRIEUR JOUR
(Chapelle, des internes assis dans les premiers rangs, des internes agenouillés, ils ne sont pas tous mais dans un coin ombre du fond on entend des bruits torrides, un couple fait l’amour dans le sol de la chapelle, Georges et Fatima, ils baisent avec des préservatifs qu’ils gonflent comme des ballons, ils s’amusent à jouer avec pendant qu’ils continuent)
INTÉRIEUR JOUR
(Sortie de la chapelle, Georges et Fatima se séparent mais se regardent éperdument amoureux. En haut de l’escalier Madeleine les observe avec une certaine envie, plus en haut le docteur scrute Madeleine avec un désir évident et il descend vers elle).
JEAN MICHEL
Alors le Seigneur Dieu fit tomber sur lui un sommeil mystérieux, et l'homme s'endormit. Le Seigneur Dieu prit de la chair dans son côté, puis il le referma. Avec ce qu'il avait pris à l'homme, il forma une femme et il l'amena vers l'homme. L'homme dit alors : « Cette fois-ci, voilà l'os de mes os et la chair de ma chair ! On l'appellera : femme. »
MADELEINE
A cause de cela, l'homme quittera son père et sa mère, il s'attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu'un.
JEAN MICHEL
Tous les deux, l'homme et sa femme, étaient nus, et ils n'en éprouvaient aucune honte l'un devant l'autre.
MADELEINE
Et voilà ! Un expert dans les textes bibliques ! Mais quelle surprise !
JEAN MICHEL
La vraie surprise est de voir une femme comme vous se savoir toujours une femme et se nier de l’être pour l’éternité.
MADELEINE
Ses décisions sont insondables, ses chemins sont impénétrables!
(Les deux se dirigent à la porte de chapelle. Madeleine entre et se dirige au bénitier. Jean Michel mouille sa main et le passe l’eau. Les mains se touchent un long moment, ils se regardent)
JEAN MICHEL
Ses décisions sont insondables, ses chemins sont impénétrables!
(Madeleine se sursaute et cours vers l’autel. Jean Michel se tourne vers la porte en souriant, son sourire est peut être diabolique, il s’en va)
INTÉRIEUR JOUR
(Chapelle petite, une messe, quelques prieurs, des nonnes, Madeleine est à genoux, regard perdu dans l’autel et les vitraux avec des scènes bibliques, elle est en presque extase, son regard glisse par les vitres jusqu’à un Saint Sébastien en plein martyre avec son corps musclé et son sexe clairement marqué sous le linceul qui le cache… extase « in crescendo »)
MADELEINE
… priez pour nous, pauvres pécheurs…
JEAN MICHEL
(Tout juste derrière elle)
… ainsi soit-il…
(Elle se retourne, demande permis à la mère supérieure qui est à son côté et s’en va le plus vite possible. Le psychiatre la suit)
INTÉRIEUR JOUR
(Couloirs, escaliers, salles… c’est une poursuite, sans résultat pour le poursuivant, Madeleine a joué au cache-cache avec lui et elle dans sa cellule enfermée)
INTÉRIEUR JOUR
(Cellule de Madeleine, elle a un fouet de pénitence sur le lit, elle, nue, se fouette en parallèle à la séquence suivante)
INTÉRIEUR JOUR
(Bureau du psychiatre, il ferme la porte, s’assoit derrière la table, allume l’ordinateur, cherche des images de nonnes sur internet et se masturbe en les regardant)
INTÉRIEUR JOUR
(Madeleine et Jean Michel arrivent au climax simultanément)
INTÉRIEUR JOUR
(Salle du gymnase, les internes sont en train de répéter des scènes de bagarres avec les couteaux de théâtre, sous la direction d’Armagnac, la porte s’ouvre, le psychiatre arrive écœuré par la fuite de Madeleine et les observe sans rien dire mais il sourit à Fatima et Fatima, qui n’est pas mal, lui sourit chaque fois que leurs regards se croissent)
ARMAGNAC
(Il donne des ordres en récitant le texte)
Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre;
je ne suis pas venu apporter la paix, mais l’épée.
Car je suis venu mettre la division entre l’homme et son père,
entre la fille et sa mère, entre la belle-fille et sa belle-mère;
et l’homme aura pour ennemis les gens de sa maison.
Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre,
Regardez mon épée de tranchant rouge de sang
Regardez cette épée de divine justice faire son boulot
Regardez les têtes tomber sur le sol ruisselant de sang
Tremblez et pleurez parce que vous êtes en péché
Et l’épée du Seigneur tranchera vos impuretés…
(Le spectacle est chaotique à nouveau, les grands simulent de tuer les petits et les femmes, les blessés font des agonies exagérées… au final, il n’en reste qu’un vivant, il est Georges que « tue » Fatima avant de tuer « Armagnac »)
INTÉRIEUR JOUR
(Douches, Armagnac et Georges sont en train de se sécher avec des grandes serviettes, l’ambiance est gai, on rit, on chante…)
GEORGES
C’est magnifique d’avoir cette ambiance dans l’établissement ! On peut vraiment penser qu’on sortira d’ici, qu’on sortira guéris…
ARMAGNAC
C’est vraiment magnifique ! C’est bon de pouvoir nous organiser, de nous trouver comme des personnes ! Mais...
GEORGES
On continue à être enfermés, je n’arrive pas à me souvenir de ma vie avant d’arriver ici. Il y a longtemps que ma mère ne vient pas me voir, ma mère était la seule à venir me voir. Pour quoi on ne nous laisse pas d’appeler ? Je veux parler avec elle. Elle n’est pas morte !
ARMAGNAC
Ta mère est très âgée et n’aura pas beaucoup de forces mais elle continue à payer sinon tu aurais été renvoyé, et pas à la liberté, à un autre établissement, a une prison pour de vraie ou à un psychiatrique. On est ici parce que nos familles payent, parce que le Juge de Tutelles accepte que nous sommes ici mieux que vas-tu savoir où. Es-tu mal ici ? On te tient bien propre, bien habillé, bien nourri et tu as Fatima et elle t’aime.
GEORGES
Fatima est la chose plus belle qui m’est passée dans la vie !
(À partir de ce moment, ils commencent à parler comme des intellectuels, comme des experts en théâtre, ils vont à augmenter leur excitation tout au long du dialogue sur le spectacle)
ARMAGNAC
L’amour ! L’amour ! Tous les deux vous jouez très bien ensemble. Il faut, je crois, que tu improvises un peu plus, que tu sois plus créatif dans ton jeu théâtrale, je crois, mais c’est à toi de sentir et de jouer.
GEORGES
Non, non, tu fais bien de me dire. Je sens aussi qu’on pourrait faire mieux, dépasser les bornes, jouer sans limites…
ARMAGNAC
Le texte n’est pas une limite, le texte est une base pour développer le jeu, pour progresser dans le spectacle. Il faut se questionner, trouver des situations troublantes, que les spectateurs soient abasourdis, qu’ils soient une partie de la pièce.
GEORGES
Mettre un spectateur dans le centre de la pièce !
ARMAGNAC
Un spectateur protagoniste : L’évêque !
GEORGES
Oui ! L’évêque comme l’offrande qu’on sacrifie au final, comme le roi qui doit mourir, comme l’agneau surpris para la brutalité du sacrifice qu’on lui demande !
ARMAGNAC
Bien, Georges ! Bien ! Mais c’est du spectacle, c’est du théâtre, il faut jouer et faire jouer. N’oublie pas que le couteau que tu enfonces dans le roi ou l’évêque, n’est pas le couteau de Ravaillac sinon qui est un couteau truqué, mais c’est toi avec ta gestualité, avec ton expression, qui doit faire sentir la cruauté du sacrifice au public.
GEORGES
C’est moi, moi, qui est dans la scène et quand on est en scène, on a le pouvoir, on dirige, on commande !
INTÉRIEUR JOUR
(Répétition à la salle, quelques chaises simulent des rangs, les internes sont habillés plus ou moins en style XVIème siècle, Armagnac est revêtu d’évêque, on voit des différents tableaux accompagnés des chants, on commence pour représenter en bon ordre les chants basques des enfants, des chants festifs, Fatima montre sa jambe à un des garçons, une femme se fâche, pendant que la fête et les chansons continuent les internes se divisent en deux et une querelle surgit, ils miment une bagarre collective qui s’arrête aux pieds d’Armagnac, maintenant assis en tenu d’évêque, quand Armagnac fait une grimace de surprise Georges le poignarde et s’enfuie avec Fatima, tous courent après eux et ils retournent pour saluer au public devant la salle encore vide)
ARMAGNAC
Le spectacle s’améliore, il devient de plus en plus fluide, il y a du rythme. On va avoir un succès. Il faut tout ranger.
(Les internes se déshabillent, laissent l’atrezzo en ordre, les couteaux de théâtre dans un panier… Au fond de la salle le psychiatre était en l’obscurité et il s’approche des internes)
JEAN MICHEL
Bravo, bravo ! Très moderne, une pièce de nos jours !
GEORGES
Merci, merci…
JEAN MICHEL
Georges je veux te faire un test, j’ai besoin de constater tes dernières progressions Est-ce que tu peux aller à mon bureau, s’il te plaît ? (Georges souriant sorte de la salle) Et Fatima ? Où est tu ? Fatima aussi va très bien, je voudrais te faire à nouveau un test complet. Est-ce que tu pourrais venir en une demi-heure, s’il te plaît ?
INTÉRIEUR NUIT
(Bureau du psychiatre, le docteur et Georges jouent avec des cartes de tarot dans une table, Georges prends une carte et fait une description, Jean Michel prends des notes)
GEORGES
Le bateleur, un type soulève un bâton devant une table, le type a un huit bizarre qui flotte sur sa tête, dans la table il y a une épée, une coupe et un autre bâton et des fleurs un peu partout… il est un mage, un jongleur, un illusionniste... il est en train de mettre en avant la futilité, la spéculation, voire le mensonge pour parvenir à ses fins.
JEAN MICHEL
Prends une autre des miennes pour finir
(Georges prends une autre)
GEORGES
L’étoile, une fille blonde est agenouillée à coté d’un lac, elle prend de l’eau et arrose l’herbe, une grande étoile illumine la scène nocturne, elle a une relation amoureuse superficielle, avec rigidité dans les échanges et les interactions, grand difficulté dans les rencontres...
JEAN MICHEL
C’est fini. Très bien, Georges, tu avances vraiment.
(Il fait sortir Georges et entrer Fatima)
Au revoir, Georges. Entre Fatima, prépare-toi pour l’examen
(Il ferme la porte et quand il se retourne Fatima est nue, splendide, on voit bien qu’il oublie de verrouiller la porte)
INTÉRIEUR NUIT
(Dans le couloir Georges se promène devant la porte fermée du bureau du psychiatre, un moment donné il s’approche, on entend parfaitement des bruits de film porno, il ouvre un peu la porte, Fatima est en train de faire une fellation à Jean Michel. Georges ferme la porte et s’en va)
EXTÉRIEUR JOUR
(Le jardin de l’établissement est décoré, couronnes, fanions… On sent bien qu’un événement va se produire, les bonnes sœurs courent d’un coté à un autre)
INTÉRIEUR JOUR
(Salle, Armagnac change les couteaux faux par les couteaux de cuisine et s’en va)
INTÉRIEUR JOUR
(Douches, Armagnac ferme la cachette des douches et disparaît par le couloir. Georges apparaît quand il est parti et va aux douches, il arrive à ouvrir la cachette et teste les couteaux de théâtre, il laisse tout comme il était)
EXTÉRIEUR JOUR
(Jardin, chapelle… L’évêque arrive)
ITXASSOU
Mes brebis, mes agneaux, mes enfants… que Dieu fasse de moi un vrai foyer de lumière et d'amour, une parole pour porter sa joie. Je veux que tout autour de moi et en moi rayonne l'harmonie, le saint consentement, la joie et l'immense bonté du cœur. Être toujours gai, toujours joyeux même dans l'affliction... c'est si bon ! C'est de là que j'ai compris la valeur d'un sourire accueillant, le bénéfice d'une sérénité habituelle transformant mélancolie et tristesse en saint consentement. Je connais maintenant la joie la plus pure, la plus douce que l’on puisse connaître : celle de vivre pour les autres et pour leur bonheur.
(Tout le monde applaudit. L’évêque regarde Madeleine avec désir)
ITXASSOU
Donner Dieu en tout, à tous et à toutes, le donner constamment, le donner autant de fois et en autant de manières qu'il le voudra. Par la prière, par l'exemple, par la parole, par la bonté, la charité, le pardon... et surtout par l'amour, par l’amour, par l’amour… Il ne faut pas oublier que Dieu est amour, tout l’amour, et rien d’autre qu’amour.
(Il a pris la main de Madeleine et il ne va pas la quitter)
ARMAGNAC
Et toi, tu sais beaucoup de l’amour, un peu trop peut être.
ITXASSOU
Mon frère ! Mon frère !! Jean !
ARMAGNAC
Pas mort, mais enterré. Ton frère, ton frère qui est passé pour tous les cercles de l’enfer et qui est caché dans ce petit bout de paradis sur terre.
(L’évêque, sans libérer la main de Madeleine, prends Armagnac par l’épaule)
ITXASSOU
Ne râle pas, mon vieux, ne râle pas ! Tu es beau à nouveau ! Mais tu adores le drame, et surtout être le protagoniste du drame. Est-ce que tu as mis ton moteur cérébral en marche ? Est-il parti à nouveau ? Non, je suppose que non, parce que s’il l’était tu serais déjà le directeur de l’asile. Ne laisse pas de prendre tes médicaments ou tu ne sortiras d’ici jamais. Et ça me ferait beaucoup de peine… Ah ! Mon pauvre cœur ne le supporterait pas.
ARMAGNAC
On a entendu que ta sainte vie au service de ta religion t’a fait passer par la salle d’opération dernièrement. Il te vaudrait mieux de faire jeûne et pénitence et t’abstenir d’admirer de près les beautés créés par nôtre Seigneur.
ITXASSOU
Ah le sacrifice ! Le sacrifice semble aussi naturel que la prière; le sacrifice est révélateur de ce que l’homme pense de lui-même, la seconde de ce qu’il pense de Dieu. Depuis que le péché est entré dans le monde, dans son sillage sont apparus des sentiments douloureux de culpabilité, d’éloignement de Dieu et d’impuissance. Il est compréhensible que le désir d’échapper à cette condition pénible incite l’homme à rechercher le secours de Dieu par le sacrifice. Mais la beauté est venue dans le monde avec la création, par la volonté de Dieu et la puissance de l’Esprit de lumière. Elle a été mise en toute chose et en tout être. Dieu, dans sa grande bonté de Père a voulu nous la donner comme cadeau merveilleux afin que l’homme puisse être heureux. Oui, sœur Beauté, fille bien aimée de Dieu est née avec la création du monde : "Et Dieu vit que cela était bon". Dieu, la Beauté même, a été le premier à contempler la beauté. "Et Dieu vit que cela était bon !"
(Madeleine est paniquée et regarde à Armagnac comme son seul salvateur)
ITXASSOU
Mais comment vas-tu l’apprécier ? Toi, toi qu’as pris le chemin de la dope et de l’alcool jusqu'à l’impasse de l’enfer !
ARMAGNAC
Je crois que c’est le moment de te montrer où nous a amené le travail de ces sœurs de beauté.
INTÉRIEUR JOUR
(Salle aménagé en salle de spectacles, les internes jouent, l’évêque regarde les seins de Madeleine, les seins et les culs des internes, on voit bien qu’il est très excité avec le spectacle, la mère supérieure est assise à coté de l’évêque, le psychiatre, un peu bourré, est assis à coté de Madeleine qui se trouve entre les deux satyres, tous les quatre en premier rang, il n’y a pas de séparation entre acteurs et spectateurs)
(Le spectacle se développe comme d’habitude de la pastorale a la danse dionysiaque, la chaleur augmente entre les spectateurs en parallèle, il l ya des évanouissements, Madeleine se déboutonne un peu, l’évêque regarde, le psychiatre aussi)
(Quand Georges prend le grand couteau et avance, Armagnac prend un autre et le suit vers la présidence)
(Cris)
L’évêque est mort ! Monseigneur est mort !
(La musique s’arrête un moment, Georges et Armagnac aussi avec les couteaux élevés, le psychiatre libère Madeleine et s’agenouille avec la supérieure essayant de ranimer le gros corps de l’évêque)
(La musique a repris, Fatima prends le couteau de la main de Georges et le jette au panier, elle signale la porte ouverte de la salle et au fond, on voit la porte de l’asile ouverte, ils courent ver la liberté)
ARMAGNAC
Oui, le cochon est noir. Oui, le cochon est mort. Oui, le cochon est bon. Dadou ronron ron dadou ronron. Chez Loulou, on a tué le cochon, dadou ronron ron dadou ronron. Avec les cuisses, on a fait du jambon, dadou ronron ron dadou ronron.
(Il léve le couteau pour se tuer mais Madeleine arrive à l’arrêter et l’embrasse sur la bouche, ils s’embrassent comme dans une comédie américaine pendant qu’ils dansent avec la musique et s’en vont vers la sortie)
(Les pompiers retirent le cadavre, les spectateurs s’en vont, le pianiste joue comme un robot à nouveau, sauf le psychiatre et la supérieure tout le monde, même le pianiste s’en va)
JEAN MICHEL
Que quatre capitaines portent Hamlet comme un combattant, sur l’estrade ; car, probablement, s’il eût été mis à l’épreuve, c’eût été un grand roi ! et que, sur son passage, la musique militaire et les salves guerrières retentissent hautement en son honneur ! Enlevez les corps : un tel spectacle ne sied qu’au champ de bataille ; ici, il fait mal. Allez ! dites aux soldats de faire feu…
SUPÉRIEURE
Mon pauvre Jean Michel mais tu es bourré ! Qu’est que tu vas faire maintenant ? Tant de coqueliquer et toutes les garces se sont envolées !! Seul, ivre, sans boulot…
JEAN MICHEL
Qu’est que vous allez faire maintenant ? Seule, sobre, sans boulot… J’ai toujours admiré votre force, votre volonté, et pour tout dire, je sais qu’il y a une vraie femme en vous. De quoi vivrez-vous ?
SUPÉRIEURE
De fruits, d'herbes, de racines, de coquillages, de rien ; s'il le faut, nous pécherons, nous chasserons, nous deviendrons sauvages, et notre vie finira avec honneur et gloire, et non pas dans l'humilité ridicule ou l'on veut tenir des personnes de notre excellence.
JEAN MICHEL
Et où tout ça ?
SUPÉRIEURE
À Ibiza ! Si tu te décides j’ai assez de sous pour les billets, mais c’est maintenant ou jamais !
(Elle commence à partir, Jean Michel la plaque, la retourne, l’embrasse et...)
FIN
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